Bonjour,
@BrunoIratchet, désolé de ne pas avoir pris le temps de répondre plus tôt. La publication des bénéficiaires des aides de la PAC est en effet un sujet complexe. Tout dépend de la façon dont on définit ces aides. Si on reste dans une vision réglementaire classique, il s’agit de soutiens publics à des entreprises privées, donc il semble légitime que les contribuables puissent savoir à quelle hauteur ces entreprises sont financées. Mais si on considère que ces soutiens sont aussi des aides sociales destinées à une population économiquement fragile (le cas de certains éleveurs, par exemple), leur publication nominative est hautement questionnable. Imagine-t-on un site internet où il serait possible de connaître la totalité des sommes perçues par des bénéficiaires de l’assistance (RSA, AAH, etc.) et/ou de l’assurance sociales (indemnités chômage, maladie, etc.) ? Le parallèle, je crois, illustre bien la caractère kaléidoscopique de l’agriculture française contemporaine qu’établissent les travaux des sociologues François Purseigle et Bertrand Hervieu.
Il y a une actualité de ces données, Access Info travaille en ce moment à la publication des principaux bénéficiaires dans différents pays. C’est un levier politique qui met en lumière le fonctionnement de la PAC au-delà des déclarations d’intention sur l’agriculture familiale et la recomposition des mondes ruraux (encouragement à l’accumulation foncière qui n’est pas freiné par quelques mesures de dégressivité, éligibilité aux aides pour des « exploitants » qui sont en réalité des propriétaires terriens qui délèguent le travail agricole à des entreprises spécialisées, etc.).
Au niveau des agriculteurs français, je pense que la contestation de cette publication nominative n’est pas plus massive car elle est en grande partie ignorée. Beaucoup d’agriculteurs que je rencontre pensent que ces données ne sont plus accessibles, peut-être en vertu d’une promesse syndicale ou politique qui a été mise en avant il y a quelques années ? Il faudrait creuser.
De plus, le site n’est pas très pratique, une recherche par nom propre ou par nom de village ne fonctionne pas bien (les requêtes par codes postaux sont plus efficaces), ce qui peut donner l’impression que tout cela est à l’arrêt.
Enfin, la définition des aides qui sont intégrées dans la somme des montants perçus par tel agriculteur peut avoir des effets sociaux pervers. Je ne sais pas si c’est toujours le cas, mais il y a quelques années le montant d’un prêt à taux bonifié était intégré à cette somme. Un jeune agriculteur tancé par ses voisins me l’avait rapporté : ceux-ci pensaient qu’il avait perçu 100 000 euros d’aides alors que c’était un prêt…
Plus généralement, les personnes qui n’ont aucune connaissance de la trésorerie d’une exploitation agricole ont tendance à penser que les sommes données aux agriculteurs sont très élevées. Or quand on rapporte les aides aux revenus, on se rend compte que pour certaines catégories d’agriculteurs les aides représentent largement plus de 100 % du revenu annuel et qu’elles ne font que percoler à travers les poches de l’agriculteur pour alimenter tout un monde socio-économique (comptables, réparateurs de tracteurs, vendeurs de matériel, propriétaires fonciers, banques, fabriques d’intrants en tous genres, semenciers, vétérinaires, mutualité sociale agricole, conseillers techniques, constructeurs de bâtiments, coopératives, etc.).
Merci @cquest pour ce lien que je ne connaissais pas.
En espérant vous avoir apporté quelques éclairages sur ce point,
LM