Pour éclairer cette discussion, deux points me semblent importants à préciser… afin de ne pas ré-écrire l’histoire
L’ouverture des données françaises sur l’épidémie ne s’est pas faite « par défaut ».
Dans un premier temps, à part des communiqués de presse (en PDF) et des chiffres indiqués aux cours de points de presse, rien n’était publié de façon cohérente et encore moins sous forme de données réutilisables.
Début mars 2020, une petite équipe s’est montée pour collecter les chiffres des décès, des cas confirmés dans ces fameux PDF publiés par les ARS ou le Ministère de la Santé. Cela a été mis sous forme de données structurées et publié sur github. J’ai participé à ce démarrage (vous n’avez qu’un peu moins de 2000 commit à remonter dans l’historique).
Nous avions besoin à l’époque de suivre ce qu’il se passait, savoir à quel point on avait encore le contrôle ou pas sur ce nouveau virus, ce qui m’a permis d’écrire cet article le 13 mars 2020:
https://cq94.medium.com/covid19-ce-que-disent-les-chiffres-agir-vite-et-fort-d7fd54a66c2d
Puis un dashboard a été créé sur son temps libre par la team géo d’Etalab pour faciliter la visualisation des données ainsi crowdsourcées :
https://veille-coronavirus.fr/
Oui, ce dashboard redirige désormais sur https://dashboard.covid19.data.gouv.fr/
Je ne connais pas les détails qui ont fait que petit à petit des données ont été publiées et que la communication du gouvernement a repris ce travail à son compte. Ces données crowdsourcées ont sûrement eu un rôle du genre « c’est à nous de le faire pour que ce soit fiable… et qu’on ne soit pas ridicules et critiqués de ne pas le faire ».
L’ouverture des données n’est vraiment pas allée de soit. Même Guillaume Rozier, s’est retrouvé à un moment à recevoir de la main à la main certaines données, non ouvertes car sa notoriété avait rendu une de ses demandes publiques difficile à ignorer par les autorités.
Après quelques critiques sur ce régime de faveur, il a eu une réaction très salutaire en refusant d’utiliser les données qu’il recevait ainsi, tant qu’elle ne serait pas ouvertes, publiées et réutilisable par tous. Un grand merci à lui !
vitemadose
Il faut là encore rappeler qu’il n’y a pas de données ouvertes et publiées. Ce service n’existe que grâce au scrapping fait sur les plateformes de réservation en ligne. On ne peut vraiment pas parler d’opendata !
Faire appel à un prestataire privé quand on ne peut pas déployer dans l’urgence une solution maison peut se comprendre. Ne pas exiger de ce prestataire de fournir des données pour fluidifier le service est par contre vraiment dommage.
Le site du ministère qui liste les centres de vaccination y aurait énormément gagné, car aujourd’hui ce n’est qu’un annuaire, incapable d’indiquer où l’on peut effectivement se faire vacciner. Du coup, les données scrappées par vitemadose sont plus ou moins réutilisées ou en passe de l’être (car je n’ai rien vu pour l’instant).
vitemadose n’est pas non plus la panacée… pour trouver où me faire vacciner, j’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois car même si des créneaux étaient semble-t-il ouverts sur doctolib, ils pouvaient être réservés à tel ou tel type de personnes éligibles… ce qu’on ne découvre qu’à la fin du processus de prise de rendez-vous dans certains cas.
Le processus de vaccination, ces prises de rdv, l’absence de gestion en mode « file d’attente » donne au final une expérience utilisateur digne d’un hygiaphone numérique où si l’on n’est pas à l’aise on se perd et se décourage sûrement facilement.
StopCovid / TousAntiCovid
Un projet d’appli a été imaginé à la DINUM par les équipes de beta.gouv.fr, mais sans portage interne. Du coup, champ libre à StopCovid qui n’a rien stoppé du tout (arrivé trop tard pour la 1ère vague, présenté pour éviter la seconde avec le succès qu’on connait).
Renommage… mais pas plus d’efficacité, car son échec était mathématiquement prévisible dès le départ, comme je n’ai cessé de le répéter à l’époque de sa conception, quand le débat se tenait bien plus sur les données personnelles et le traçage.
https://cq94.medium.com/tousanticovid-in-efficacite-en-chiffres-8aba1c107113
Je ne tire aucune conclusion nouvelle… le manque d’agilité, la culture du secret, le recourt au privé par perte de compétences dans le public à force d’externalisation, tout cela n’a rien de nouveau c’est ce que j’ai constaté (en partie avec surprise) pendant mes 4 années passées à Etalab.