Données produites dans le cadre d'une mission de service public à caractère industriel et commercial

Bonjour,

En ce moment, je me documente sur les différentes lois ayant trait à l’ouverture des données. Ma question aura trait à la législation

Je suis tombé sur un article intitulé Le nouveau régime juridique de la réutilisation des informations publiques plutôt intéressant, qui expose un peu toutes les nouveautés introduites par la Loi Lemaire.

Mais cet article contient une phrase qui ajoute un peu confusion dans mon esprit. Il est écrit :

“Les informations produites dans le cadre d’une mission de service public à caractère industriel et commercial rejoignent également le champ d’application du droit de la réutilisation alors qu’elles en étaient précédemment exclues.”

Alors que plus loin, on lit :

“Désormais, les administrations et les collectivités ne pourront plus invoquer ce droit pour refuser, en réponse à une demande de réutilisation, la mise à disposition de documents publiés sur Internet. Seules échappent à cette nouvelle disposition les bases de données produites dans l’exercice d’une mission de service public à caractère industriel ou commercial soumise à la concurrence.”

Or, si l’on se réfère au code des Relations entre le Public et l’Administration, on peut effecivement lire :
Article L311-6

"Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs :

1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l’administration mentionnée au premier alinéa de l’article L. 300-2 est soumise à la concurrence ;
"

D’autre part, dans la Loi Lemaire :
Article 11

“« Le premier alinéa du présent article [comme quoi les droits de propriété intellectuelle et les droits des administrations ne peuvent faire obstacle] n’est pas applicable aux bases de données produites ou reçues par les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 dans l’exercice d’une mission de service public à caractère industriel ou commercial soumise à la concurrence. » ;”

Du coup, il me semble que la phrase citée au tout début du post sur la réutilisation possible, par défaut, des données produites dans le cadre d’une mission de service public à caractère industriel ou commercial n’est pas vraiment juste. Ou bien il y a des nuances que je ne discerne pas. Malheureusement, je ne peux interagir avec l’auteur de l’article comme les commentaires sont fermés…

Vos lumières seraient bien appréciées

Je ne suis pas juriste, donc réponse à prendre avec des pincettes, mais je crois que l’idée c’est que par principe des données produites ou détenues par un SPIC sont dans le champ de l’open data par défaut, mais que néanmoins dans le cas où un SPIC exerce dans un champ concurrentiel, la protection de sa position concurrentielle justifie de déroger au principe d’ouverture.
Il faut sans doute ajouter que pour certains domaines dans lesquels des EPIC peuvent exercer la loi pose des dispositions spécifiques : cf les transports (SNCF par ex) ou l’énergie.

C’est bien ce que je me disais aussi. Merci Joel pour tes lumières !

L’étude d’impact de la Loi Lemaire semble confirmer ce que @joel dit :

Les données des SPIC ont une valeur certaine, puisqu’elles touchent à des services essentiels utilisés par l’ensemble de la population. En outre, à la différence des SPA [Service Public Administratif], le développement économique entre dans l’objet même des SPIC : si la puissance publique décide de prendre en charge une activité de nature industrielle ou commerciale, c’est parce qu’elle estime que son intervention sera favorable au développement économique de la collectivité. Dans la mesure où l’ouverture des données favorise le développement de nouvelles activités, elle entre pleinement dans la vocation des SPIC. Plusieurs SPIC, comme la SNCF, la RATP ou le Centre des musées nationaux, se sont d’ailleurs engagés de manière volontaire dans des démarches d’ouverture des données. […] Le présent article rend possible la réutilisation des informations publiques librement communicables pour l’ensemble des personnes morales exerçant une mission de service public industriel et commercial : ces personnes n’auront plus le droit d’interdire la réutilisation des informations publiques qu’elles communiquent. Ainsi, cet article permet la totale harmonisation des règles de réutilisation applicables à toutes les autorités chargées d’une mission de service public, qu’elle soit de nature administrative ou industrielle et commerciale. Toutefois, dans la mesure où ne sont pas concernées les informations dont la communication ne constitue pas un droit en application du chapitre Ier de la loi du 17 juillet 1978, et notamment du fait des dispositions prévues à l’article 6 de ladite loi, la réutilisation est rendue possible sans méconnaitre les secrets protégés par la loi et notamment le secret en matière commerciale et industrielle.

PS : rendons à César…c’est l’excellent livre blanc d’Inno3 L’ouverture des données publiques : nouvelles obligations et nouveaux acteurs qui m’a guidé vers cette réponse

Hi OD community !

J’ai une question / application directe de ces échanges :slight_smile:

Qu’en est-il des données agrégées par les Notaires de France ?
J’ai l’impression que les données agrégées (prix m2 par ex) rentrent bien dans le champ d’application de la loi Lemaire si je me réfère à : https://www.notaires.fr/fr/la-nouvelle-mission-de-service-public-de-collecte-et-de-diffusion-des-prix-immobiliers
Mais la donnée me paraît être toujours protégée par le droit à la propriété intellectuelle car Notaires de France monétise déjà cette donnée (via leur portail et revente à partenaires tiers) ?
Ai-je la bonne lecture ?

Merci !

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Le cas est intéressant et complexe. La mission de service publique est en effet établie par une loi de 2011 rendue applicable par son décret d’application de 2013.

Le principe est la diffusion gratuite de ces données (article 3) :

Le Conseil supérieur du notariat met gratuitement des résultats statistiques à la disposition du public sur le réseau internet. Ces informations portent sur un nombre de mutations suffisant pour ne pas permettre, même indirectement, l’identification des parties à l’une d’entre elles. La nature des indicateurs diffusés ainsi que leur fréquence, leur échelle géographique et leur délai de diffusion sont précisés par l’arrêté prévu à l’article 1er.

Ce dernier prévoit bien, en son article 4, la diffusion payante de certaines données :

Le Conseil supérieur du notariat, ou son délégataire, transmet à toute personne qui le demande, moyennant le paiement d’une rémunération, un ou plusieurs tableaux de résultats statistiques, obtenus par croisement des informations rassemblées en application de l’article 1er, pour un ensemble de mutations portant sur une période d’un ou de plusieurs trimestres civils consécutifs, observées sur un cadre territorial de référence et sous réserve que chaque case du ou des tableaux se rapporte à un nombre de mutations au moins égal à vingt.

Néanmoins, l’alinée 3 de cet article précise que :

La diffusion ultérieure par le demandeur des informations transmises s’effectue conformément aux dispositions de l’article L. 322-1 du code des relations entre le public et l’administration.

Lequel autorise bien la réutilisation et la rediffusion de ces données :

Sauf accord de l’administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées.

L’article 5 dit enfin qu’on peut demander (dès lors qu’on respecte les règles du secret statistique) des données au Conseil supérieur du Notariat :

Le Conseil supérieur du notariat, ou son délégataire, transmet gratuitement à toute personne qui le demande, pour au moins vingt mutations, les informations relatives à la transaction, au prix et aux caractéristiques essentielles de chaque bien.
La communication de ces informations ne peut porter atteinte à la protection du secret de la vie privée ou au secret en matière industrielle et commerciale. A cette fin, un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé du logement, après avis du Conseil supérieur du notariat, précise les conditions dans lesquelles cette communication est réalisée ainsi que les informations qui peuvent être transmises.
Les informations sont transmises au demandeur pour un usage final qui exclut toute cession à des tiers, à titre gratuit ou onéreux. Le demandeur peut toutefois publier ou céder librement tout résultat agrégé portant sur au moins vingt mutations, sous réserve de mentionner la source ainsi que les adjonctions et les traitements qu’il a apportés aux informations.

Je n’ai pas réussi à trouver les arrêtés mentionnés dans le texte (je n’ai pas beaucoup cherché).
Mais pour ce que je comprends de l’esprit du texte, c’est que les données sont communiquées gratuitement, sauf en cas de demande de tabulation à façon (ce qui se justifie en effet aisément).
Pour le reste, ce qui est dommage c’est d’avoir des restrictions d’usage qui ne sont pas trop dans l’esprit de la loi Lemaire - ainsi, des données détaillées sont communicables mais pas rediffusables en l’état, c’est curieux.

Je serais intéressé de voir si Etalab partage ma lecture, poke @schignard par exemple.

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Thx @Joel !
Preneuse de ton éclairage @schignard
Belle soirée à tous

Hello,

Voici de premiers éléments de réponse concernant le régime applicable aux EPIC (service public à caractère industriel et commercial), ce qui correspond aux premières questions de ce fil de discussion.

Depuis la loi pour une République numérique, les EPIC font bien partie des personnes mentionnées à l’article L.300-2 du CRPA dont les données publiques sont réutilisables de droit.

Concrètement cela signifie que la gratuité est la règle générale pour la partie de l’activité des EPIC qui relèvent des missions de service public.

Pour qu’un EPIC puisse déroger au principe de gratuité sur la partie de leur activité qui relève des missions de service public, il faut qu’il remplisse deux conditions cumulatives:

  • que son activité principale consiste en la collecte, la production, la mise à disposition ou la diffusion d’informations publiques,

  • que la couverture des coûts liés à cette activité principale soit assurée à moins de 75% par des recettes fiscales, des dotations ou des subventions.

De plus, le législateur a prévu, pour les EPIC en situation de concurrence, la possibilité de ne pas diffuser certaines données. C’était (de mémoire) une demande des acteurs du secteur de transports publics.

Concernant le cas particulier des notaires: je suis en train de regarder précisément l’ensemble des textes pour valider l’articulation entre ces dispositions générales et leur cas précis. Je reviens vers vous !

Simon

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Hello,

De mon côté j’ai fait une demande de devis auprès des Notaires de Paris et on m’a bien confirmé la possibilité de disposer et d’afficher sur un site tiers gratuitement les données déjà dispo ici https://www.immobilier.notaires.fr/fr/prix-immobilier.
Donc on est bien dans le champ d’application de la loi Lemaire !

Néanmoins, mon contact m’indique que (moyennant rémunération) ils disposent de chiffres plus fiables / reflétant davantage la réalité du marché. Ils mènent alors proactivement un questionnaire auprès des agences de notariat permettant d’en sortir un coefficient de pondération pour affiner les stats déjà dispo.

De plus, la collecte des informations doit se faire manuellement depuis leur site… C’est pas très Open Data spirit ça non?

Bonne journée à tous!

c’est même pas du tout open data spirit et c’est franchement honteux, de sortir sciemment des données pourries en open data pour vendre des données de meilleure qualité. Et probablement illégal.

Réponse :
"vous devez faire les requêtes systématiquement pour obtenir les informations. Il s’agit de la restitution prévue dans le cadre de la mission de service public.
La fourniture de ces éléments sous la forme d’un fichier Excel regroupant toutes les communes entre dans un autre cadre, c’est pourquoi je vous ai fait parvenir une cotation pour la réalisation de cette prestation."
Mais que fait la police ? :slight_smile:

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A combien s’élève le devis pour la “prestation” en question ?

“Pour la fourniture de données statistiques portant sur les prix, à l’échelle de la commune et par trimestre, avec 3 mises à jour donc 4 livraisons au total, le coût serait de 3 832 € HT”
=> au total pour les communes d’IDF uniquement (car Notaires de Paris est une branche séparée des Notaires de France)

Bonjour à tous,
Je reviens sur le sujet :wink:
Ca vaut le coup de saisir la CADA non ?
N’ayant jamais eu recours à elle j’évalue mal les difficultés (zéro risque en tous cas?).
Merci !

Si tu as besoin d’aide pour saisir la CADA tu sais à qui demander :wink:

héhé c’est bien noté Joël :wink: Je vais mettre les mains dans le cambouis un peu d’abord.:woman_mechanic: