L’ODI a demandé à des responsables de l’open data dans plusieurs pays (États-Unis, France, Philippines et Kenya) comment ils s’y sont pris pour s’assurer que leur travail ne serait pas annihilé en cas d’alternance politique. Les stratégies nationales diffèrent, mais supposent toutes une réelle anticipation. En France, Romain Talès insiste sur l’inscription dans la loi (Lemaire) des principes de l’open data et sur le travail de lobbying au niveau européen.
Je me demande si l’inscription dans une loi (qui porte en outre le nom d’une secrétaire d’Etat) est vraiment la cause de sa résistance à l’alternance. D’autres dispositifs législatifs n’ont même pas résisté à un simple remaniement. Je pense surtout que l’accroche de l’opendata « à la française » à l’article 15 de la DDHC de 1789 a « ringardisé » les replis antiopendata, tout en élevant le débat vers des principes au-dessus des lois.
On peut ajouter pour aller dans ton sens qu’on mesurera la résistance à l’alternance dans quelques années : on ne sait rien pour l’instant de ce que sera l’effectivité de la mise en œuvre de la loi Lemaire et plus largement du train de mesures prises sous le quinquennat précédent en matière d’open data. Pour l’instant, il y a pas mal de signaux mitigés : non publication des décrets de la loi Macron, doute autour de l’open data des décisions de justice, pas de feuille de route gouvernementale sur l’open data affichée pour l’heure, etc. À suivre…
En 2011, Valérie Peugeot avait écrit un article à ce sujet :
Le débat qu’il ouvre reste d’actualité :
L’adoption de l’ouverture des données par des instances de toutes couleurs politiques laisse imaginer deux scénarios. Le premier, cohérent avec la marche générale du monde vers une vision néolibérale de l’économie et de la finance, serait celui d’une convergence implicite autour d’objectifs comme la diminution de la place de l’État, l’externalisation de fonctions de services publics vers le marché et vers des citoyens non pas assistés mais rendus autonomes et entreprenants,au défi de toute logique de redistribution sociale. Le second est celui du malentendu : lorsque les effets réels de l’open data se feront sentir sur les sociétés, l’illusion de l’œcuménisme tombera, et nous saurons a posteriori de quel projet de société cette libération participe, projet néoconservateur voire libertarien d’une part, ou projet de construction de nouvelles formes de partage et de gouvernance des biens communs informationnels de l’autre.Nous émettons une troisième hypothèse : du fait de sa plasticité, l’open data constitue un nouveau terrain implicite de mise en tension des contradictions qui traversent le monde du numérique actuellement. Plus qu’une fracture gauche/droite, de nouvelles oppositions montent dans le capitalisme informationnel au fur et à mesure que les modèles historiques montrent leurs limites : une bulle spéculative se forme autour de l’économie de l’attention, à la base du modèle économique de la quasi-totalité du chiffre d’affaires des grands acteurs du web ; l’économie de la propriété intellectuelle ne répond pas aux besoins d’innovation et de production collaborative. Aussi le monde du numérique cherche-t-il à inventer les modèles économiques et politiques de demain.L’open data pourrait n’être finalement qu’un des espaces, à côté des sphères de production et distribution de biens culturels, à côté de l’infrastructure de l’internet et de la question de sa neutralité, à côté du marché de la donnée personnelle, où se joue l’émergence d’un nouvel équilibre entre sphère publique, sphère du marché et sphère des biens communs.
Ce tweet de @samgoetahttps://twitter.com/samgoeta/status/944222577337274370 me fait dire que la résilience de l’OD aux changements politiques n’est pas qu’une question de maintient d’une législation mais aussi du maintient des données sur les plateformes.
L’administration Trump a fait la démonstration de la fragilité des plateformes.
Deux articles sur la mobilisation des scientifiques, archivistes et bibliothécairespour “sauver” ses données.
L’archivage et la préservation des plateformes d’OD est aujourd’hui un impensé. Les archives publiques ont fait la preuve en France de leur capacité malgré les changements politiques à protéger ce qui leur avaient été confié. Il serait sans doute sage d’en faire de même avec les set de données en OD qui sont des archives publiques.
100% d’accord, c’est une question essentielle et totalement impensée. Qui renvoie aussi à la question de la gouvernance des données et de leur ouverture.